Accord UE–Mercosur : une ouverture graduelle qui redessine les chaînes de valeur
L’accord prévoit un démantèlement tarifaire progressif, différencié selon les secteurs et étalé sur plusieurs années. Les machines, équipements industriels, pièces détachées et produits techniques – aujourd’hui pénalisés par des droits de 10 à 20 % – bénéficieraient progressivement de tarifs faibles voire nuls, avec des calendriers variant de l’immédiat à dix ans. Les véhicules et matériels roulants, soumis à des droits pouvant atteindre 35 %, suivraient une trajectoire plus lente et encadrée par des règles d’origine restrictives.
L’enjeu pour les entreprises européennes ne sera pas uniquement tarifaire : la maîtrise des règles d’origine deviendra déterminante pour accéder aux préférences douanières. Sans documentation solide – valeur ajoutée locale, transformation suffisante ou changement de classification douanière – l’avantage annoncé pourrait rester théorique.
Dans les secteurs sensibles, notamment l’agroalimentaire, l’ouverture sera limitée et encadrée par des quotas, des périodes de transition et des clauses de sauvegarde permettant de réagir en cas de perturbation du marché européen. Les services, quant à eux, bénéficieront d’une ouverture partielle mais réelle : ingénierie, maintenance, environnement, numérique ou conseil pourraient accéder à de nouveaux contrats, notamment via l’ouverture progressive des marchés publics du Mercosur.
Enfin, l’accord comporte un pilier durabilité central pour la France : conformité à l’accord de Paris, lutte contre la déforestation, respect des normes sanitaires et bien-être animal, mécanismes anti-dumping social et environnemental. Les importations pourraient être suspendues si les volumes explosaient ou si les prix chutaient de manière déstabilisante. L’ouverture ne sera donc pas inconditionnelle, mais étroitement liée aux engagements réciproques
Bien que la ratification ne soit pas attendue avant 2025–2026 et que la mise en œuvre complète puisse s’étaler jusqu’en 2036, l’accord UE–Mercosur produit déjà ses premiers effets. Les industriels sud-américains se préparent, les distributeurs européens recherchent des partenaires locaux et certaines PME sécurisent leurs positions avant l’ouverture du marché.