Hollywood vs. le monde : la nouvelle frontière douanière de l’audiovisuel
Le 5 mai 2025, un tournant inattendu a secoué l’industrie cinématographique mondiale. Donald Trump, a ordonné la préparation d’un tarif douanier de 100 % sur tous les films et séries produits à l’étranger puis importés sur le sol américain. Si l’annonce vise officiellement à protéger une industrie hollywoodienne affaiblie, ses implications vont bien au-delà du simple symbole. Elle remet en cause des équilibres économiques fragiles, et bouscule les chaînes de valeur du secteur audiovisuel mondial.
Cette surtaxe de 100 % constitue une réponse directe aux incitations fiscales pratiquées par de nombreux pays pour attirer les tournages internationaux.
Le Royaume-Uni, par exemple, a attiré 5,6 milliards de livres de dépenses de tournage en 2024, dont 86 % provenaient d’investissements hollywoodiens. En ciblant ces productions « offshore », l’administration américaine souhaite favoriser le rapatriement des projets sur son territoire.
Fait notable : certaines franchises pourraient bénéficier d’exemptions « culturelles », comme l’a laissé entendre Trump à propos de James Bond, citant son attachement personnel à l’acteur Sean Connery. Un signe que la mesure pourrait être appliquée de manière sélective, voire diplomatique.
Au-delà de l’annonce politique, le cadre technique et juridique de cette surtaxe reste flou.Quelle étape de production sera retenue pour déterminer l’origine d’un film ?
Le tournage, la postproduction, la diffusion ?
Et surtout : comment taxer une œuvre audiovisuelle numérique, souvent diffusée en streaming et protégée par le droit d’auteur ?
Les professionnels alertent sur le risque d’un conflit avec les règles de l’OMC, qui distinguent clairement les biens matériels des services culturels.
Une œuvre audiovisuelle, diffusée sous forme de DCP ou via une plateforme, entre-t-elle dans le champ classique des droits de douane ?
L’incertitude juridique s’accompagne d’une inquiétude croissante des acteurs du secteur
Au Royaume-Uni, les syndicats de l’audiovisuel redoutent un retrait massif des studios américains…
Ces derniers ont lourdement investi dans des infrastructures locales pour bénéficier d’un cadre fiscal attractif – des crédits d’impôts allant jusqu’à 40 %. La perspective d’une double peine (fiscalité locale + surtaxe à l’import) pourrait conduire à une révision stratégique des implantations internationales.
Côté américain, les producteurs s’interrogent sur la faisabilité même de cette mesure : comment définir l’origine d’un film dont les étapes de production sont éclatées entre plusieurs continents ? En attendant des clarifications, certains projets sont déjà gelés.
Pour les professionnels du commerce international, cette situation ouvre un champ nouveau de complexité. S’il fallait effectivement appliquer une surtaxe, il deviendrait urgent de créer des outils adaptés : certificats d’origine culturelle ou fiscale, preuves de localisation de tournage, codification spécifique des œuvres numériques… Autant de défis que les nomenclatures tarifaires actuelles ne sont pas préparées à relever. Les opérateurs (transitaires, déclarants, juristes) devront adapter leurs pratiques et mettre à jour leurs bases réglementaires dans des délais souvent contraints.
Enfin, cette mesure unilatérale pourrait susciter des réactions en chaîne. Le Canada et l’Australie, également concernés par ces nouvelles règles, envisagent déjà des contre-mesures commerciales. L’Union européenne, plus prudente, observe néanmoins la situation avec attention, notamment en ce qui concerne les coproductions susceptibles d’être touchées indirectement. Si le secteur audiovisuel devient un nouvel enjeu géopolitique, il faudra s’attendre à des réponses coordonnées, voire à un rééquilibrage des accords commerciaux existants.